La baleine d’Omura (Baleanoptera Omurai) est une espèce récemment découverte de baleine à fanons, identifiée en tant qu’espèce à part entière en 2003. C’est un mysticète, ou baleine à fanons, ce qui signifie qu’elle n’a pas de dents. Elle se nourrit en filtrant de petites proies grâce à de grands « poils » appelés fanons, qui se situent sur sa mâchoire supérieure. La baleine d’Omura appartient à la famille des baleines à fanons appelée Balaenopteridae, ou rorquals. Cette famille inclut une majorité des grands cétacés, depuis la plus grande des baleines, la baleine bleue (pouvant mesurer jusqu’à 30 mètres) jusqu’à la plus petite, la baleine de Minke (ne dépassant pas les 8 mètres). La baleine d’Omura mesure quant à elle entre 10 et 11 mètres.
Avant 2003, les baleines d’Omuras étaient souvent confondues avec les baleines de Bryde, légèrement plus grandes. Au début des années 90, les scientifiques ont remarqué que cette baleine, qui avait été classifiée en tant que « Baleine de Bryde pygmée », était quelque peu différente, à la fois physiquement et génétiquement. En 2003, elle a été reconnue comme une espèce à part entière, avec une origine évolutionnaire datant de 10 à 17 millions d’année. Jusqu’à aujourd’hui, les seuls spécimens étudiés avaient été pêchés ou retrouvés échoués sur les plages, dans l’Ouest du Pacific ou l’Est de l’Océan Indien, mais n’avaient jamais été documentés par des études en pleine mer !
La baleine d’Omura est longue et lisse, avec une corpulence caractéristique des rorquals, tout en étant un peu plus mince que la majorité d’entre eux. L’apparence externe de ces baleines a été décrite pour la première fois par Wada et al. en se basant sur des informations (limitées) récoltées lors d’expéditions de recherches par les japonais aux îles Salomons et Cocos, et dans la mer du Japon. Notre travail à Madagascar a permis la première description physique détaillée, tant de l’apparence externe que de la pigmentation, poussant plus loin les connaissances sur cet animal.
Les baleines d’Omura ont une pigmentation asymétrique, semblable à celle du rorqual commun, avec une mâchoire inférieure de couleur blanche côté droit et noir côté gauche, une légère flamme et un chevron plus proéminent côté droit. 80 à 90 sillons gulaires s’étendent depuis le nombril vers la mâchoire, tandis que le rorqual de Bryde n’en compte pas plus de 54. Le sommet du crâne, ou rostre, comporte une seule arête importante ; Les arêtes latérales du rostre, proéminentes chez le rorqual de Bryde, n’existent pas chez la baleine d’Omura. Cependant sa tête n’est pas totalement lisse. Sa taille ne dépasse pas 12 mètres : entre 10.3 et 11.5m pour les femelles matures, et entre 9.6 et 10m pour les mâles.
Les images suivantes, de différents spécimens de baleines d’Omura à Madagascar, montrent les détails de pigmentation et d’apparence :
(A) Mâchoire inférieure – coloration asymétrique claire côté droit et foncé côté gauche;
(B) Bouche- Coloration asymétrique(déduit par la lèvre inférieure intérieure) claire côté gauche et foncé coté droit;
(C) Nageoire pectorale – Bord d’attaque blanc depuis l’extrémité jusqu’à l’épaule;
(D) Crane et rostre – Absence apparente d’arête latérale, avec seulement quelques faibles indications sous certains angles;
(E) Flamme – Coloration claire qui part de l’œil, uniquement présente côté droit, avec un œil noir et des rayures au niveau des oreilles, ainsi que deux autres rayures plus foncées et une légère coloration entre les rayures;
(F) Chevron – Coloration claire devant la nageoire dorsale, des deux côtés mais asymétrique, plus importante côté droit où le modèle est large et doublement rayé. Le chevron côté gauche est unique et plus étroit, avec une position variante en fonction de la nageoire dorsale;
(G) Nageoire dorsale – Très falciforme, avec un angle d’insertion s’inclinant graduellement dans le dos, intermédiaire entre le rorqual commun (inclinaison plus graduelle) et les rorquals de Bryde ou Boréal (inclinaison plus aigüe et aileron plus droit).
En utilisant des enregistrements effectués depuis le bateau, ainsi que des enregistrements depuis des hydrophones placés en pleine mer, le projet Madagascar a pu documenter pour la première fois les vocalisations des baleines d’Omura. Encore plus excitant, ces vocalisations s’apparentent à ce que nous pensons être des chants typiques de rorqual. Trois principales caractéristiques indiquent qu’une vocalisation est un chant
1. Les vocalisations stéréotypées – Le son est un modèle très reconnaissable qui est identique à chaque fois qu’il est produit. La principale vocalisation que nous avons enregistrée est un appel de basse fréquence, entre 15 et 50 Hz (en dessous de l’audition humaine), d’une durée de 8 à 9 secondes, de forme pulsative, comme un long grondement.
2. La répétition rythmique – A chaque fois que cet appel est enregistré, il est produit en séries répétitives de 2 à 3 minutes et peut durer plusieurs heures. Nous pensons que ces vocalisations proviennent d’un seul animal répétant l’appel encore et encore. C’est le chant d’un individu isolé.
3. Chœur de plusieurs individus – Les hydrophones placés en pleine mer ont enregistré plusieurs séries de chevauchement de vocalisations, que nous pensons être les chants de plusieurs individus proches les uns des autres, d’où la dénomination de chœur.
Le chant est connu pour être un signe de reproduction pour les mâles, et bien que nous ayons encore beaucoup de choses à découvrir sur les habitudes de reproduction des baleines d’Omura, nous pensons que ce chant que nous avons enregistré se rapproche des comportements des mâles et est essentiel dans le processus d’accouplement de l’espèce. Le spectrogramme ci-dessous montre la composition de ce chant.